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FANTASTIQUE

 

 

Chez Paul Halter, tous les mystères finissent par être résolus. Ses histoires sont donc à classer parmi les romans à énigme. Cependant, il accrédite volontiers le Fantastique en accumulant les phénomènes mystérieux et insolites, à tel point qu’ils semblent difficilement explicables d’une autre manière. Prenons l’exemple de l’infortuné Nigel Manson (Le Diable de Dartmoor), précipité dans le vide par des mains invisibles, devant plusieurs témoins. Un tel meurtre est appelé par convention « crime impossible ». Le meurtre en chambre close relève également de cette catégorie, mais il s’agit d’une branche particulière, qui est étudiée dans une notule annexe.

Cette notion de « crime impossible » pourrait s’appliquer uniquement aux assassinats, mais nous engloberons ici également toute manifestation d’apparence surnaturelle, qui est généralement liée au drame, d’une manière ou d’une autre, et souvent le fruit des diaboliques manœuvres de l’assassin.

Cette rubrique permet une approche thématique de l’œuvre de Paul Halter, en passant en revue les principales branches du Fantastique. Précisons que cette liste est loin d’être complète et que son choix est arbitraire, tant d’une manière générale que dans l’univers de l’auteur où, pour notre plus grand bonheur, foisonnent les « crimes impossibles ».

 

 

Meurtrier fantôme

Un assassin talonné par les policiers disparaît mystérieusement au fond d’une impasse, comme s’il s’était envolé en fumée. C’est un des thèmes de prédilection de l’auteur. Cette notion de meurtrier fantôme, d’assassin insaisissable, hante de manière obsessionnelle Le Brouillard Rouge, et dans une moindre mesure, L’Allumette sanglante, ou encore La Tête du tigre.

 

Homme invisible

Contrairement à la rubrique précédente, notre créature est parfaitement invisible, et cela du début à la fin. Elle agresse sauvagement ses victimes ou les pousse dans le vide, tout en demeurant aussi transparente que l’air, aux yeux des témoins ébahis. Le Diable de Dartmoor est entièrement consacré à une telle créature, où elle intervient à plusieurs reprises. (Soulignons ici le tour de force de l’auteur, qui nous propose une explication d’une simplicité confondante). Le vindicatif meurtrier du Roi du désordre semble également posséder un tel pouvoir.

 

Disparition incompréhensible

Mais le don d’invisibilité ne saurait être l’apanage des humains. Dans La Ruelle fantôme, c’est une ruelle entière qui s’évapore ! Après l’avoir explorée, Ralph Tierney la quitte précipitamment, effaré par ce qu’il y a vu. Mais en se retournant, il constate avec stupeur qu’à la place de son entrée béante, il y a un mur parfaitement borgne !

 

Malédiction

Elle peut être égyptienne, comme dans La Chambre d’Horus, anglaise, comme dans Le Cri de la sirène, ou alsacienne, comme dans La Malédiction de Barberousse : À Haguenau, le spectre de cet empereur du Moyen-Âge poursuit son implacable vengeance à travers les siècles.

 

Lieux hantés ou lieux maudits

Ils sont nombreux dans l’univers de Paul Halter. Le grenier des Darnley (La Quatrième Porte) en est un exemple, ou le manoir Trerice (Le Diable de Dartmoor), ou encore le domaine des Mansfield (Le Roi du désordre). Ils ne fait pas bon fréquenter de tels endroits, car le pire est à craindre. Et les fantômes de veiller au grain, même si celui des Fleurs de Satan paraît plus inoffensif. C’est en général la réouverture d’une pièce ou d’une maison condamnées qui provoque une suite de calamités incontrôlables, comme dans La Chambre du fou et À 139 pas de le mort.

 

Résurrection

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les protagonistes de La Chambre du fou vont être témoin d’un tel phénomène ! Pourtant, ils avaient tous assisté à l’enterrement du défunt quelques mois plus tôt. Malheureusement, le ressuscité va mourir une seconde fois. Et l’examen de son cadavre prouvera de manière formelle sa récente « résurrection »…

 

Réincarnation

Henry White serait-il la réincarnation du célèbre magicien Harry Houdini ? Tout porte à le croire, si l’on se réfère à l’étourdissante Quatrième Porte. Patricia Sheridan semble victime d’un phénomène identique, dans le terrifiant Arbre aux doigts tordus. Dans Le Géant de pierre, Hélène Garnier subit la transmigration d’une âme désespérée, disparue il y a des milliers d’années, lors de l’anéantissement de la civilisation minoenne.

 

Bilocation

Selon la définition du Grand Robert, il s’agit d’un phénomène paranormal par lequel une même personne serait simultanément présente en deux endroits distincts. Le jeune Henry White semble avoir réussi ce tour de force dans La Quatrième Porte.

 

Divination et prophéties

Une des facultés paranormales les plus troublantes pourrait être la prédisposition des médiums et autres devins à prévoir l’avenir. Dans La Chambre du fou, Brian Thorne prévoit des événements qui se réalisent peu après : il annonce à son frère que l’ouverture d’une chambre causera sa perte, il prévient Francis Hilton d’un gain aux courses, et avise sa belle-sœur de sa mort toute proche. L’Image trouble  met en scène le chiromancien Jack Atmore, qui a prévu la mort d’Amélia Jacobs assassinée par trois voyous. Et Le Cercle invisible nous place d’emblée dans ce contexte lorsque Gerry Pearson annonce son propre assassinat dans des circonstances qui défient l’entendement.  C’est dans le murmure du vent que l’étonnante Stella percevra d’inquiétants oracles qui se réaliseront tous (L’Homme qui aimait les nuages).

 

Clairvoyance

Les Larmes de Sibyl sont consacrées à cet étonnant pouvoir. Grâce à son pendule, un voyant extra lucide va retrouver des personnes disparues et élucider des énigmes vieilles de plusieurs années, sur lesquelles la police s’était cassé les dents. La Hache (dans le recueil de nouvelles La Nuit du loup) nous propose le cas d’un rêve prémonitoire, un rêve funeste qui va se réaliser en tout point. Le clairvoyant  ira même jusqu’à reconnaître l’assassin lorsqu’il le croisera dans une gare.

 

Vision hallucinante

Il est assez rare d’être le témoin d’un assassinat. Et lorsque la visite sur les lieux d’un crime présumé prouve qu’il ne s’est rien produit de tel, c’est très déroutant. Mais cela devient franchement hallucinant lorsqu’on apprend que ce même drame, dans des circonstances parfaitement semblables à cette vision, s’est produit au même endroit une vingtaine d’années plus tôt ! Et ce n’est la que le début des singulières aventures de John Smiley, dans Le Mystère de l’Allée des Anges.

 

Loup-garou

La légende du loup-garou pèse sur La Nuit du loup. À Eastmorland, la sinistre créature a déjà sévi à plusieurs reprises, mais elle va faire une nouvelle victime : Peter Wolf se retrouvé poignardé et lacéré de coups de griffes dans son chalet, isolé dans la campagne enneigée. Les seules traces qu’on distingue aux abords du pavillon… sont celles d’un loup.

 

Vampire

Un maniaque sanguinaire hante l’histoire de L’Arbre aux doigts tordus et le petit village de Lightwood. Coup sur coup, on y retrouvera trois enfants égorgés. Le plus curieux, c’est que les lieux des crimes ne recèlent qu’une quantité infime de sang…

 

Sirène

Traditionnellement, les sirènes sont des créatures marines. Mais il en existe d’autres espèces, comme la Banshee, sorcière hurlante dont il faut redouter le « cri silencieux ». En effet, la personne qui n’entend pas son cri mourra le jour même. Et c’est ce qui se produit à plusieurs reprises dans le Le Cri de la sirène. De surcroît, l’infâme créature, dotée d’ailes, est capable de traquer ses victimes au sommet d’une tour et de les pousser dans le vide… Celle qui intervient dans Les Larmes de Sibyl semble moins féroce. Mais il faut néanmoins s’en méfier. Le don de divination qu’elle accorde à ceux qui la rencontrent n’est pas véritablement un bienfait, car ses prédictions ne concernent que des événements tragiques. C’est dans L’Appel de la Lorelei que nous trouvons la sirène traditionnelle, celle dont les chants mélodieux poussent ses auditeurs séduits à la noyade. Par une nuit d’hiver, l’infortuné Hans Georg semble percevoir les doux appels de la Lorelei. Comme hypnotisé, il les suivra jusqu’à un étang gelé, où il se noiera…

 

Mythes et légendes

Encore un réservoir magique dans lequel l’auteur a puisé abondamment, au point qu’il nous est difficile d’en faire un inventaire complet. Dans Le Cercle invisible, il s’empare de la légende arthurienne pour nous offrir un festival d’extravagances et d’impossibilités. Les protagonistes seront amenés à interpréter un étrange jeu de rôles, basé sur les personnages de la Table Ronde, dont l’issue, on le devine sera fatale.

Les légendes indiennes ou orientales ne sont pas en reste. On les retrouve dans La Mort derrière les rideaux, Le Tigre borgne et La Tête du tigre, où le frottement d’une pièce en bronze va faire apparaître un génie particulièrement agressif. L’hypothèse d’un meurtrier venu en tapis volant est par ailleurs souvent envisagé par l’inspecteur Hurst, dépassé par les événements. La légende de l’Atlantide est abordée avec un soin d’historien dans l’étonnant Géant de pierre.

Mais la palme revient indiscutablement à la mythologie grecque, une véritable mine pour l’auteur. Dans Le Crime de Dédale il fait sienne la légende du Minotaure, et se permet même le luxe d’apporter une explication rationnelle à l’envol de Dédale et d’Icare ! Ce même Dédale revient en force dans Le Chemin de la lumière, où le célèbre architecte va entraîner un groupe de jeunes talents à remonter le Nil jusqu’à sa source, dans une quête fabuleuse et semée d’embûches. Le Minotaure fait également une réapparition remarquée et particulièrement sanglante dans La Nuit du Minotaure. Les Sept Merveilles de l’antiquité — même si elles n’ont rien de mythiques ! — servent de support aux Sept Merveilles du crime, véritable ode au bizarre et aux crimes impossibles. Le mythe d’Adonis, dont le sang engendre de magnifiques floraisons, traverse subtilement les démoniaques Fleurs de Satan. On retrouve celui du roi Midas dans L’Homme qui aimait les nuages, où la jeune Stella Deverell parvient à transformer en or les objets qu’elle touche. Et c’est entre les maisons de La Ruelle fantôme que se love comme un serpent géant, le Kraken, la monstrueuse créature marine engendrée, selon certaines sources, par le grand Poséidon.

Les héros les plus populaires de la Grèce antique ne sont pas oubliés. Dans Les Douze Crimes d’Hercule, le héros thébain fait une entrée fracassante, en commettant douze crimes plus « impossibles » les uns que les autres. Ulysse est également présent dans La Toile de Pénélope, où sa patiente épouse prêtera son nom à une attachante mygale, aux glandes filières particulièrement développées. Enfin, la légende de Jason et les Argonautes sera fidèlement retracée dans Le Testament de Silas Lydecker, où l’infortuné héros de l’histoire se verra contraint de subir les mêmes épreuves que celles endurées par le célèbre navigateur et ses compagnons.

Ce catalogue d’étrangetés de tous ordres, ces brillantes variations sur le thème du mystère, ne reflètent pourtant qu’une partie de l’œuvre et du talent de Paul Halter. D’autres approches mériteraient d’être analysées, comme l’influence du passé ou les problèmes temporels, brillamment exploités, entre autres, dans L’image trouble. Mais ce sera pour une autre fois…

 

 

                                                                                     Philippe Fooz